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Crise en Ukraine : un enjeu important dans le conflit américano-russe

Mercredi 2 février, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian déclarait sur France 2 : “la situation est très grave. Il y a des dizaines de milliers de soldats russes aux frontières de l’Ukraine.” Il a ajouté : “tous les éléments sont réunis pour qu’il y ait une intervention.”

On décrypte les enjeux pour la Russie, la France et les Etats-Unis.



Des ukrainiens apprenant à tenir une kalachnikov © Sergei Supinsky - AFP

Mercredi 2 février, Emmanuel Macron et Joe Biden se sont téléphonés au sujet de la crise ukrainienne. Ils ont assuré tout leur soutien au pays et ont promis de coordonner leurs efforts pour surmonter la crise.


Pour rappel, Moscou a annexé une partie de l’Ukraine, la Crimée en mars 2014 à la suite de la destitution d’un président pro-russe pour un président pro-européen. Récemment, Vladimir Poutine a amassé 90.000 soldats à la frontière ukrainienne.



Troupes russes disposées autour de la frontière Ukrainienne © L’Express

L’Union Européenne craint une nouvelle invasion. L’Ukraine est une pièce maîtresse dans le conflit géopolitique entre l’Occident et la Russie car le pays agit comme un rempart entre les deux. L’Ukraine craignant une invasion, voit de nombreux civils s’engager dans l’armée, prêts à défendre leurs pays.


De nombreuses discussions ont déjà eu lieu entre la Russie et les Etats-Unis. Washington a demandé au géant russe des garanties contre les cyberattaques, de nouvelles négociations sur le contrôle des armes nucléaires et une stabilité stratégique. Joe Biden demande également la neutralité de la Russie dans le conflit américano-chinois et le retrait des troupes russes aux frontières de l’Ukraine. Enfin, il a rappelé la situation embarrassante d’Alexeï Navalny, principal opposant de Vladimir Poutine, actuellement emprisonné.


La France compte elle aussi entrer dans les négociations. Cette semaine, Emmanuel Macron et Vladimir Poutine ont échangé deux fois par téléphone pour évoquer les “garanties de sécurité”. La France souhaite que l’Union Européenne joue un rôle plus important dans les négociations.


Lors de cet échange, Moscou a imposé trois revendications, les mêmes qu’un mois plus tôt lors de ses échanges avec Washington. Le dirigeant russe veut le retrait des armes nucléaires américaines en Europe. Il demande également la cessation du déploiement des forces militaires conventionnelles de l’OTAN vers les frontières de la Russie visant, selon lui, à créer des infrastructures militaires. Enfin, il a demandé l’abandon officiel des plans de l’OTAN concernant l’acceptation de l’Ukraine et de la Géorgie dans l’Alliance.


Les Etats-Unis ont déjà déclaré qu’ils ne se retireraient pas du continent européen. Christine Lambrecht, ministre allemande de la Défense, a affirmé : “Il n’est pas possible que la Russie impose ses vues aux partenaires de l’OTAN.”


C’est pourquoi la dernière revendication de Vladimir Poutine a été refusée sur le champ. Dans un souci d’égalité, aucun pays ne peut être rejetté d’une organisation mondiale par la demande d’un autre état. Ce serait contraire au principe même de l’organisme. Pourtant, les enjeux pour la Russie, l’Europe et les Etats-Unis sont bien supérieurs à une simple question de territoire.



Vladimir Poutine et joe Biden en 2011 © PHOTO ALEXANDER ZEMLIANICHENKO, AP

La Russie au cœur de la géopolitique mondiale

Selon le géopolitologue français Pascal Boniface, la Russie ne cherche ni à gagner ses débats en obtenant le plus de concessions, ni même à attaquer l’Ukraine. Vladimir Poutine aurait évidemment réagi en cas d’attaque, mais son action servait surtout à le placer au cœur de la géopolitique mondiale.


Le déplacement de ses soldats à la frontière ukrainienne a permis de faire augmenter la tension à l’échelle mondiale, et donc d’obtenir plus facilement des concessions. Moscou a obtenu une relation directe avec Washington, sans passer par l’Europe. Et si la France s’invite aujourd’hui à la table des négociations, les dialogues réalisés lui ont permis d’être sur un pied d’égalité avec le dirigeant américain Joe Biden. Il a pu rétablir une ligne directe entre les deux capitales qui n’est pas sans rappeler le téléphone rouge existant pendant la Guerre froide.


Les Etats-Unis ont donc reconnu la Russie comme un géant géopolitique mondial. Si les effets ne sont pas immédiats puisque le pays n’a pas obtenu ses revendications, ils se verront dans le futur grâce au rôle qui lui est apporté. Pascal Boniface détaille : “en tant que géant géopolitique, un pays est écouté, respecté, craint…” Un rôle que souhaite la Russie.


Mais le pays n’est pas le seul à avoir bénéficié de cet échange. Joe Biden a montré qu’il pouvait tenir tête à la Russie et s’est ainsi défini comme l’un des protecteurs de l’Europe. Une crise qui permet au pays de l’Oncle Sam de se présenter comme grand défenseur international.


Un rôle que n’arrive pour l’instant pas à assumer la France. Le sénateur André Gattolin s’exprime : “ J’ai quelques doutes sur les capacités d’Emmanuel Macron à imposer quoi que ce soit à Vladimir Poutine. D’autant qu’il connaît la capacité du Kremlin à semer le trouble par des moyens non-conventionnels, comme des piratages informatiques. À quelques semaines de la présidentielle, c’est un risque qu’il ne cherchera pas à courir.


Un convoi de véhicules blindés russes se déplace sur une autoroute de la Crimée, le 18 janvier 2022 © Photo : ASSOCIATED PRESS

Une escalade des tensions encore possible

Malgré le ton cordial employé, l'escalade des tensions entre les pays est encore possible. Joe Biden l’a rappelé, “les relations sont très amicales” avec le Kremlin, cependant ils “répondront avec fermeté” en cas de manquement à leurs revendications, comme l’invasion de l’Ukraine par exemple.


En Russie, le verdict est le même. Vladimir Poutine avoue trouver la réaction des Etats-Unis positive. Mais Andreï Kartapolov, vice-chef de l’état-major de la Fédération de Russie, souligne quel’OTAN n’avait pas l’intention de réduire sa présence militaire dans la région limitrophe des frontières russes.” Il s’insurge contre le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg : “Le sens même du dialogue se perd. Et puis ils vont défendre la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, l’Estonie ? De quel genre de menace… Peut-être des migrants ukrainiens ? Une fois de plus l’Occident ne fait qu’essayer de justifier ses actions sous couvert d’une menace inexistante.”


À l'international, ses propos ne sont pas passés inaperçus. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a éclairci la situation : “bien sûr, tout le monde est préoccupé par l’escalade des tensions. Le dialogue [entre la Russie, les Etats-Unis et l’OTAN] est essentiel pour réduire les tensions et éviter toute confrontation.

De nouvelles discussions sont déjà prévues, tout comme les sanctions de la part de l’Europe et de la Maison Blanche en cas de dépassement. Washington a annoncé réfléchir à diverses réactions : ils pourraient choisir d’isoler Moscou de la finance mondiale, geler les exportations vers la Russie, ou empêcher la construction du Nord Stream 2 - un gazoduc reliant la Russie à l’Allemagne en passant par la mer Baltique.


L’Union européenne a aussi annoncé vouloir imposer de "graves sanctions” en cas d’invasion de l’Ukraine. Le géopolitologue, Pascal Boniface, explique que l’Union Européenne ne souhaite pas être écartée des négociations entre les deux puissances mondiales. Les Américains lui ont assuré que ce ne serait pas le cas, pourtant la France n’a toujours pas le rôle qu’elle aimerait dans le conflit.


Christian Cambon, sénateur, explique la source de cet écartement des négociations : “Les Européens subissent tout simplement la stratégie de Vladimir Poutine, qui ne s’adresse qu’aux Américains. Mais je pense qu’il fait une grave erreur stratégique en considérant l’UE comme quantité négligeable. Car l’UE, ce sont aussi les pays baltes et la Pologne, des voisins proches de la Russie, et donc une capacité de perception assez fine des enjeux locaux.


En attendant, l’Europe et le monde entier, attendent les prochaines actions de Moscou. Vladimir Poutine, au cœur de la géopolitique mondiale, attire tous les regards et les inquiétudes.



Amandine Rossato



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